BD : Sinaï

C'est en 2009 que le dessinateur-reporter Lelio Bonnacorso (déjà connu pour son A bord de l'Aquarius avec Marco Rizzo, chez le même éditeur, Futuropolis), rencontre Fabio Brucini sur les îles éoliennes. Ce dernier est instructeur de plongée à Sharm El-Sheik dans la péninsule égyptienne du Sinaï et un amoureux du désert, dans lequel il connait tout un réseau de Bédouins de différentes tribus. Passionné par le récit de Fabio, Lelio le rejoint en Egypte en 2012 pour y passer une semaine mais promet d'y revenir plus longtemps afin de raconter ce lieu si particulier et étonnant. C'est ce qu'il fait en 2016, mais la situation a bien changé ces dernières années, le terrorisme et les tensions internationales ont vidé les plages et les eaux de Sharm et la population locale qui vivait directement ou indirectement du tourisme se retrouve en difficulté.

Dans cette BD qui ressemble beaucoup à un carnet de voyage - aux aquarelles chaudes qui n'oublient pas d'être assez stylisées -, Bonaccorso et Brucini vont de rencontre en rencontre afin de mieux comprendre qui sont ces "Bedu" et quelle est leur vie. C'est un tout autre rapport au monde que le nôtre - petits occidentaux hystériques - qui nous est dévoilé là. Une autre approche au temps, à la médecine, au sens de l'accueil, à la religion, restituée par des discussions avec les autochtones auxquels la parole est largement donnée. Sans enjoliver, quelques clichés sur la place des femmes dans ces contrées sont au passage pourfendus. La rudesse de la vie des Bedus n'est pas non plus mise de côté, elle s'est d'ailleurs bien aggravée depuis que les Européens ont déserté la région et ainsi rendu l'économie très précaire.

Les seuls petits reproches que l'on pourrait faire à ce beau livre sont le côté répétitif du dispositif narratif (parcours-présentations-dialogues) et le besoin de Bonaccorso de surligner l'intérêt du propos de ses interlocuteurs comme si la parole qu'il leur donne ne se suffisait pas. Mais ce sont des détails au regard du plaisir pris à découvrir ces hommes et femmes si peu connus chez nous.

Chronique par Reynald Riclet