Editeur : Grasset
"Voici sept personnages avec qui nous vivons, des premières manifestations contre le « mariage pour tous » jusqu’aux dernières. Il y a Ferdinand, garçon de vingt ans blessé par la vulgarité de son père, le député Furnesse, vedette homophobe des médias et fier de l’être ; Pierre, le grand écrivain n’écrivant plus ; Ginevra, qu’il tente d’aimer ; Armand et Aron, qui vivent en couple ; Anne, si belle et victime de sa beauté ; bien d’autres encore. Tous apportent leur voix à ce concert de l’esprit où le comique le dispute à la rage.
Que s’est-il passé durant cette période ? Quel esprit est entré dans Paris, si contraire à Paris ? Comment ce qu’on appelle un événement transforme-t-il la vie des hommes ?
Le grand roman de l’amour au temps de la haine…"
Voilà une accroche prometteuse n’est-ce pas ? Mais finalement, en la parcourant après avoir conclu la lecture de l’ouvrage, on peut se rendre compte qu’elle laisse présager le déroulement de celle-ci. Ce qu’on peut dire d’emblée sur le livre de Charles Dantzig, c’est qu’il est déroutant : à la fois par la forme et l’émotion qu’il suscite ; mais peut-être pas de la façon dont l’auteur l’aurait voulu. Alternant récits, bribes de réflexion et citations philosophiques ; on passe du roman à l’essai sans jamais vraiment pouvoir se raccrocher à rien de tangible, ni dans un style ni dans l’autre.
Une fois cette particularité stylistique (durement) dépassée, on se rend compte que le fond n’y est pas forcément davantage. Sans forcément entrer dans une analyse sociologique, philosophique ou psychologique pure et approfondie des évènements qui tiennent lieu de contexte à la "narration", je m’attendais clairement à autre chose d’un livre qui se présente comme dépeignant les mouvements paradoxaux d’une société en mal-être autour d’évènements forts comme ceux des "manifs pour tous". Ce que je retiens, c’est plutôt les élucubrations et ruminations pseudo-existentialistes bobos, dans une espèce de complaisance lancinante à la Sofia Coppola ; l’esthétique visuelle en moins donc. Qu’à cela ne tienne, je persévère dans la recherche du propos, je suis le fil du récit, difficilement je l’avoue. Parfois, je me questionne sur ma capacité à le saisir, et à d’autres moments, je m’interroge sur son existence réelle.
J’en conclus, de manière tout à fait personnelle, qu’il était plus question d’intellectualiser en se servant d’un contexte social marquant et frais. Je vois bien que Dantzig cherche à mettre en exergue les tensions personnelles et sociales, de creuser ses personnages pour en faire ressortir une essence parfois contradictoire entre les carcans d’une société bienpensante et une période de crise identitaire et collective profonde… mais ça ne fonctionne pas. Dans une espèce d’auto-complaisance et de prisme œdipien et avec, qui plus est, une recherche esthétique qu’on sent un peu forcée, on sort de cette lecture comme s’étant débattu avec soi-même tout du long. Je précise que la recherche de l’esthétique n’est pas un frein en soi, mais qu’elle doit selon moi servir le propos.
Un livre peu abouti, sans texture, parfois même à la limite de la condescendance.
Chronique par Jean Alinea