ROMAN : Laver les ombres

Auteur : Benameur
Editeur : Actes Sud


Laver les ombres parle d'une femme, Lea, qui ne se pose pas. Elle danse, emportée dans la passion du mouvement pour ne pas avoir à supporter son humaine présence, cet ancrage propice au retour à soi. Elle ne sait pas pourquoi, se figer la fait souffrir, la remue dans ses entrailles, lui fait peur. Elle danse pour altérer le vide, combattre le sentiment d'intrusion qui l'habite depuis toute petite.

L'ironie veut que l'amour l'emmène vers un homme de l'immobilité, un peintre, un homme qui regarde, déshabille son identité sous ses coups de pinceaux. S'essayer à poser pour lui est une douleur à laquelle elle hésite à s'abandonner. Et comme si tout devait se chorégraphier dans une frénésie nouvelle, c'est le moment que choisit la mère de Lea pour parler. La mère distante et silencieuse, aimante pourtant, se révèle, ouvrant le rideau sur un autre tableau, celui d'une jeune femme froissée dans les draps d'une maison close napolitaine, pendant la seconde guerre mondiale. Au fil du livre, les deux récits se répondent. La fille, la mère.

Même s'il se passe le temps d'une journée pluvieuse et d'une nuit de tempête en bord de mer, Laver les ombres y rassemble deux vies entières. Comme pour beaucoup d'histoires, celle-ci se construit autour du secret, de la honte, du besoin d'amour qui emporte parfois  vers l'erreur qui changera tout.

Jeanne Benameur joue l'économie, l'intériorité, fait valser des personnages qui ne se toucheront presque jamais. Le contact physique est au creux du roman, tout autant que l'est l'introspection, la mise à nu des blessures tues. Si cette approche semble au départ un peu trop facilement descriptive des états d'âmes, elle s'enrichit et se nourrit au fil des pages, se donnant corps et mouvement, tenant moins les émotions à distance alors qu'elle semblait les observer de près dès le début. Comme il est dit en début d'ouvrage, "laver les ombres" signifie, en photographie, mettre en lumière un visage pour en faire le portrait. Ainsi va ce livre dans sa progression, où il est question de plus que de "simples" visages. Tout cela dans une extrême pudeur et avec beaucoup de délicatesse. De ces histoires comme il y en a tant, certes, mais qu'il est bon de voir se dénouer.

Chronique par Virginie