1914.
Comme ailleurs, la mobilisation des hommes vaillants touche une jolie
île bretonne. Mais la guerre s’avèrera une bénédiction pour le jeune
Maël, un freluquet pied-bot, timide, souvent considéré comme un nigaud.
Exempté des obligations militaires à cause - ou plutôt grâce - à son
infirmité, il se voit assigner la distribution du courrier en l’absence
du facteur, partiellement libéré par la même occasion des taches
ingrates et rudes que lui impose sa brute méprisante de père.
En douce,
Maël prend connaissance du contenu des lettres des poilus au front,
“omettra” d’en distribuer à leurs femmes esseulées et éreintées par les tâches…
tout en devenant leur confident le plus intime. Lui qui avait toujours
été moqué, rejeté, n’ayant jamais eu l’occasion de séduire, le voilà
qui prend sa revanche sur cette vie qui n’avait jusqu'ici pas été tendre avec lui. Mais combien de temps peut durer une telle situation ?
Un tendre anti-héros, un bienfaisant manipulateur, un malhonnête auquel on ne peut que s'attacher au travers de ce récit (en un seul volume) de Didier Quella-Guyot.
On peut ressentir çà et là certaines longueurs car la narration est en
grande partie épistolaire, cette tonalité ayant évidemment tout son sens
ici.
Pour dépeindre l’époque et l’ambiance insulaire, le dessin de
Sébastien Morice est vraiment adéquat : aéré et charmant, lisse en
évitant l’aseptisation, relevé de couleurs chaudes ou mélancoliques.
Pas un chef-d’oeuvre mais une très jolie surprise de lecture.
Chronique par Jean Alinea