Editeur : Casterman
Comme la couverture ne l’indique pas (grrrrrrr), mentionnons tout d’abord que ceci est seulement un tome 1 !
Inauguré à la demande de la revue nippone Ultra Jump, ce nouveau délire de Nicolas de Crécy met en place une galerie de personnages et de décors très évocatrice de ses productions précédentes :
le marchand de piano rappelle furieusement le compagnon de route de Salvatore ; la ville est traitée de façon analogue à celle de New-York-Sur-Loire ; on retrouve un animal muet comme dans Période Glaciaire ou encore le phoque du Bibendum Céleste. Et cette tête coupée, ça ne vous rappelle pas le même Bibendum ? Sans compter que certaines cases, par leur rapidité d’exécution et le noir et blanc sans doute, m’ont fait penser à Monsieur Fruit ou Léon la Came.
Avec redites graphiques ou non, cette synthèse decrécienne fonctionne et l’intérêt de La République du Catch se situe dans ses idées bien barrées. L’auteur confiait récemment sur les antennes radio de France Culture : “Je n’ai plus aucune influence graphique. Je n’essaie pas de me diriger vers quelque chose d’autre sur le plan du dessin. J’ai un langage que j’ai mis au point et qui est suffisamment abouti pour ne plus avoir à chercher d’autres éléments de référence. C’est le récit qui porte ici complètement le dessin.”
Il est encore trop tôt pour parler de qualité du scénario, qui paraît improvisé - comme à l’accoutumée -, mais Nicolas de Crécy n’a pas son pareil pour les trouvailles amusantes et les détournements de codes. Il veille ici à ce que ceux-ci soient compréhensibles tant par les japonais (sans se japoniser) que par les lecteurs occidentaux. Ainsi, les clans criminels évoquent tantôt la mafia sicilienne, tantôt les yakuzas. Ses malfrats financent les sportifs du catch, dont la corpulence de certains peut parfois s’apparenter aux sumos ou aux biomen. Leur chef machiavélique n’est pas un bonhomme à la mine patibulaire mais bien… un bambin.
Dans cette famille de tordus, il y a le cousin raté, au physique minuscule et ingrat, platoniquement amoureux d'une catcheuse et qui héberge dans son magasin de pianos un manchot (l’animal) jouant divinement bien de l’instrument. Au point que sa musique réveille des fantômes errant dans une usine désaffectée. Ces créatures-là évoqueront vaguement la mythologie japonaise, les créatures de Miyazaki, Monstres et Cie de Pixar ou le film Freaks de Tod Browning.
Bref, ça part dans tous les sens, on ne sait pas où ça nous mènera, mais c'est un plaisir que se laisser emporter par ces courses poursuites rocambolesques.
Chronique par Joachim Regout
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