Editeur : Futuropolis
Stéphane
Levallois, qui avait fait ses premières armes comme directeur
artistique chez l’éditeur de jeux vidéo Cryo, comme storyboarder et
designer pour la publicité et le cinéma, ou encore comme réalisateur de
courts-métrages… faisait paraître en 2000 sa première bande dessinée aux
Humanoïdes Associés (dans la regrettée collection Tohu Bohu). Intitulé
Noé, ce roman graphique plongeait le lecteur dans un cauchemar
envoûtant. Un trip sans mots, digne héritier du Arzach de Moebius, mais
avec un trait Egon Schielien. Remarquable, mais seulement remarqué par
les lecteurs les plus curieux.
Il aura fallu attendre 2007 et
une vraie nécessité artistique pour que Levallois réapparaisse avec un
nouveau livre : Le dernier modèle. Dès la couverture, dès les premières
pages, on pouvait, plus que jamais, comparer le trait de Levallois à
celui d’Egon Schiele. Une référence qu’il confirme lui-même plus loin
dans le livre. Superbes planches à la plume et au lavis. Hormis cela, le
lecteur de Noé pouvait légitimemement se sentir quelque peu
décontenancé. Influencé par une mouvance de bande dessinée
autobiographique (chez Ego Comme X par exemple), c’est à une réflexion
personnelle sur le rapport au modèle que l’artiste invitait. Et par
extension sur le rapport aux gens et à l’art. Sur le rapport à
l’inexplicabilité des relations et au surréalisme qui ponctue
occasionnellement nos vies.
Une autre bande dessinée, La
résistance du sanglier, rendait ensuite hommage à l’implication de son
grand-père durant la Seconde Guerre mondiale.
Quelques commandes
graphiques pour le cinéma (Harry Potter 7 & 8, Pirates des Caraïbes
4) plus tard, Stéphane Levallois revient avec un épais bouquin, entièrement muet, qui ressemble davantage à un storyboard de film. Basé
sur une succession de cases de même taille, aux coins arrondis, le
dessinateur développe sa narration, tantôt en limitant ou multipliant le
nombre d'images selon l’impression temporelle voulue, tantôt en
adjoignant des cases plus hautes ou, à quelques reprises, en sortant des
cadres.
L’auteur parvient une nouvelle fois à un équilibre entre
son observation réaliste sensible et son imaginaire riche pour traiter
son nouveau récit. Une petite fille parisienne y est victime d’un
racket… et d’un coup de poignard dans l’abdomen. L’histoire nous emmène
ensuite dans un rêve entre la vie et la mort, entre lueurs d’espoir et
désespoir, entre gentils monstres et silhouettes menaçantes, c’est aussi
de l’insupportable attente et de l’amour d’un père solitaire dont il
est question ici.
Une décharge d’émotions à l’encre de chine s’étale tout au long de plus de 300 pages au scénario minimaliste.
Simplement beau.
Chronique par Joachim