ROMAN : L'insoutenable légèreté de l'être

Auteur : Kundera
Editeur : Gallimard
"L'éternel retour est une idée mystérieuse et, avec elle, Nietzche a mis bien des philosophes dans l'embarras." C'est avec cette phrase que débute ce roman/essai de Milan Kundera, paru originellement en 1984, tendant ainsi la toile sur laquelle reposera toute la structure du livre. Passé à la loupe de nombreux analystes littéraires ou philosophes, L'insoutenable légèreté de l'être invoque l'existence de personnages fictifs, ces créations symboliques et clichés humains, représentant soit la légèreté, soit la pesanteur.

Ainsi naissent, de sons et de phrases, Tomas, Tereza, Sabina et Franz. Leurs amours, leurs idéaux, leurs quêtes, leurs perceptions, leurs nuances et leurs extrêmes. Là où Tomas, amoureux de Tereza mais happé par sa soif de liberté, d'absorption du monde par ses aventures féminines, cherche à se délester de toute lourdeur existentielle (souffrant ainsi de nombreux et intimes paradoxes), Tereza est toute entièrement investie, vampirisée par sa soif d'absolu, d'amour inconditionnel (un peu comme, dans une autre nuance, la Bérénice d'Aurélien). Là où Sabina poursuit la légèreté par une succession de trahisons addictives et inéluctables, Franz cherche la vérité, la justice et la droiture. Croisement de ces êtres aux confins du réel, dans ce monde imaginé, reflet de pensées et de réflexions existentielles, où le lyrisme n'a pas beaucoup de place.

Prétextes à la mise à nu des thèmes que l'auteur veut aborder, ces personnages sont vus et revus sous plusieurs angles (sans éviter quelque sensation de redondance), et ce, sur fond du Printemps de Prague de 1968. L'éternel retour, le kitsch, la légèreté, la fidélité, le sexe, la politique, l'art, le communisme,...

Pour certains, ce livre a changé leur vie. Pour d'autres, il est le reflet du creux et de l'ennui. Les personnages, caricatures d'eux-mêmes, sont, il est vrai, à certains moments insupportables. Le langage, même en abordant l'émotion, semble parfois en être totalement dénué, distancié. Pourtant, c'est à travers la mort d'un chien, de son épitaphe si poétique, que l'on se demande si l'on s'est trompé. Si ce livre n'est pas davantage qu'un essai qui se cache derrière le roman, qu'un roman bavard qui tente l'essai.

Ce livre est aujourd'hui disponible en audio, lu par Raphaël Enthoven. Avec sa voix, il ne prétend pas y apporter un sens nouveau, dit que "ce n'est pas le sens qui change, mais la nature et la couleur des affects qui s'y attachent". Et, heureusement, son rythme s'attache au texte avec une sorte d'émerveillement perceptible, ce qui lui donne une dimension humaine supplémentaire.

Inclassable, intellectuel et riche en citations devenues célèbres, L'insoutenable légèreté de l'être nous assène ses contradictions et ses intensités sous le couvert d'un ciel grisé par une forme de désespoir. Difficile donc de se ranger parmi les fans ou les détracteurs. On se contentera de vous en livrer quelques extraits :

"Qui cherche l'infini n'a qu'à fermer les yeux."

"Ne pouvoir vivre qu'une vie, c'est comme ne pas vivre du tout".

"L'homme ne peut jamais savoir ce qu'il faut vouloir car il n'a qu'une vie et ne peut la comparer à des vies antérieures ni la rectififer dans des vies ultérieures"

"Le kitsch, par essence, est la négation absolue de la merde, au propre comme au figuré."

Chronique par Virginie