Editeur : Actes Sud - l'an2
Le
berlinois Jens Harder s'est lancé un pari audacieux et inédit :
réaliser une trilogie à situer quelque part entre la bande dessinée et
l'encyclopédie ! Ses talents de dessinateur méticuleux et sa façon de
structurer le projet en font une réussite totale. Et un OVNI éditorial.
Les (environ 400) pages de chaque tome sont imprimées en plusieurs
bichromies, le trait noir et blanc s'enrichissant ici tour à tour de
tons moyens argentés, dorés ou de bronze.
Ainsi, après ALPHA...
directions, qui résumait quatorze milliards d’années, depuis le Big Bang jusqu’à l’apparition des Hommes,
BETA... civilisations présente en deux volumes l'évolution de
l'humanité.
On y suit une succession chronologique d'images
recopiées ou inspirées de publications scientifiques, historiques, mythologiques, religieuses, issues de l'histoire de l'Art...
Le tout est entrecoupé
d'occasionnels bouts de textes (plus ou moins courts) et d'autres images, anachroniques elles,
soulignant un sentiment, renforçant l'idée d'un concept ou offrant un
décalage humoristique*. Décalage judicieux pour dynamiser un exposé si
rigoureux : les Beatles traversant Abbey Road illustrent ainsi un
nouveau pan de l'Histoire en marche ; Dracula apparaît en parallèle à la
mâchoire des proto-hominiens de l'ère tertiaire ; de nombreux
clins-d'oeil aux confrères bédéastes (de Uderzo à David B.)
contrebalancent des styles iconographiques plus austères ; etc. L'auteur
ne laisse donc pas l'occasion à son lecteur de s'ennuyer, comptant tout
de même sur la bonne culture générale de ce dernier (rassurez-vous :
les sources iconographiques sont toutes mentionnées dans les annexes).
Ce volume-ci s'arrête au début de l’ère chrétienne et, vu la somme
considérable de boulot que cela représente pour Jens Harder, il nous
faudra attendre quelques années pour connaître la suite. Une suite à la
trame globalement prévisible pour ceux qui ont une solide notion
d'Histoire, mais comme la publication de Beta... civilisations – volume 2
est prévue autour de l'année 2020, nul n'est en mesure de connaître le
contenu des dernières pages. Vu l'état préoccupant du monde dans lequel
on vit, voilà qui nous laisse sur un suspense... interactif.
Chronique par Joachim
*
Un humour qui se retrouve jusque dans la postface, où on retrouve, par exemple, une
note adressée au fan de mangas, au cas où ce dernier, par habitude,
aurait ouvert le livre par la fin.