Si vous vous baladez dans le centre de Bruxelles, vous croiserez certainement un musicien de rue à la barbe blanche.
Max de Radiguès, intrigué par le personnage, et sans rien connaitre de lui, a imaginé sa vie, ses romances, sa musique et le chemin qui l’a conduit à jouer dans la rue. Le tout est servi par un graphisme minimaliste (influences Satrapi et Blain), direct, touchant, en bichromie.
Jacques Delwitte, Little White Jack est paru aux éditions L’employé du Moi.
Entretien entre l’auteur et Joachim Regout :
J'ai bien entendu déjà croisé le talentueux papy guitariste-rockeur dans les rues de Bruxelles. Je me suis par contre demandé pourquoi tu lui avais attribué le nom du chanteur des White Stripes ?
Je voulais lui donner un nom bien belge que je pouvais facilement "américaniser". Je ne sais pas très bien pourquoi mais j'ai tout de suite pensé à Jacques Delwitte, qui se traduit Jack White. Le fait que ce soit le nom du chanteur des White Stripes était un heureux hasard qui m'a conforté dans mon choix. Jack White incarne en effet bien la "rock attitude".
Ce qui m'a aussi surpris, c'est que cette vie imaginaire que tu prêtes au personnage est très terre à terre, peu mouvementée. Vu le pitch, je pensais retrouver ta veine très imaginative de Morrison is alive (mini-BD amateur, auto-éditée).
Je ne sais pas très bien pourquoi tu es tant attaché à Morrison is Alive. J'ai décidé de ne plus le vendre. Le récit a vieilli et le dessin est vraiment trop faible...
Le dessin n’était pas le point fort, c'est un fait, mais il y a, dans ce récit, un petit truc jubilatoire qu'on trouve dans les "oeuvres de jeunesse" quand elles sont originales.
OK, mais avec Jacques Delwitte, le but du récit n'était pas de faire un truc "rock décadence" mais de raconter le quotidien de ce guitariste de rue. Les flash-backs ne devaient pas être là pour raconter le passé mais pour expliquer le présent. C'est donc des moments très précis qui sont relatés.
Le portrait est touchant, mais en refermant le livre, j'ai eu envie d'une suite.
Je suis allé jusqu'au bout du moment que je voulais décrire : le livre se clôture sur la fin d’une transition de sa vie et donc en effet sur le début d'une nouvelle histoire… que je ne raconterai pas.
Au vu de cette bande dessinée et des deux précédentes, Chroniques de Dublin et Antti Brysselissä, ta démarche actuelle semble être davantage dans la description des "petits riens" du quotidien et des relations ?
Je ne sais pas si les prochains livres seront dans cette démarche de "petits riens", comme tu dis, mais avec cette histoire je me suis vraiment fait plaisir en y mettant des tas de choses qu’il me plaît de dessiner et raconter : donner le rôle principal à un vieux bonhomme - qui ne fait son âge d'ailleurs, il a un peu un côté "Mamie casse-cou" (rires) -, des kids qui font du rock, un gamin avec une peluche Bob l'éponge, des parties de Tony Hawk, des pochettes de disques...
Est-ce que tu as offert un exemplaire de cette BD au vieil homme ?
Oui, je lui ai offert un livre mais on ne s’est pas encore revus depuis.
Quelle fût sa réaction ?
On était tous les deux un peu gênés. Je ne suis pas sûr qu'il aît compris que toute l'histoire parlait de lui. Sa première réaction était assez drôle car il s’est exclamé "Hé, mais c'est pas ma guitare !" Je ne sais pas encore ce qu'il en a pensé, mais j’en sais un peu plus sur lui : il s'appelle Raphaël, il vient d’Ostende en train pour jouer. Pour des raisons professionnelles, il avait mis de côté la musique, mais maintenant qu'il est à la retraite il s'y est remis...
Et avec un sacré talent ! Merci pour cet entretien, Max.